Susanne Brenner, rédactrice pour «denaris», appunto communications.

Serge Pavoncello est rapporteur pour les questions de formation au sein du Conseil de l’Association Suisse des Gérants de Fortune ASG. Il est convaincu que même pour des professionnels expérimentés, il est essentiel de se former de manière continue, notamment par le biais de séminaires spécialisés.

«denaris»: Si vous deviez maintenant planifier votre carrière dans le secteur financier, quelle formation choisiriez-vous?

Serge Pavoncello: Franchement, dans ma carrière d’étudiant au sens large, je ne ferais pas grand-chose différemment et je conseillerais même à toute personne voulant s’engager dans une carrière dans la finance de suivre une filière similaire: étude universitaire, activité professionnelle de deux à trois ans, avant de se lancer dans les diplômes professionnels spécialisés. En agissant ainsi vous bénéficiez des aspects théoriques après avoir bâti une première expérience professionnelle. Vous en retirez bien plus d’enrichissements.

Existe-t-il, selon vous, d’autres voies pour se préparer à une carrière de gérant de fortune?

…pas vraiment. Je pense qu’un cursus académique est important. Ce n’est pas un diplôme universitaire qui va faire de vous une personne compétente. Un diplôme universitaire atteste de deux choses: la première est que vous êtes capable d’apprendre, la seconde est que vous avez été exposé à une multitude de matières, thèmes d’études et que vous avez réfléchi sur ces thèmes. Votre culture s’enrichit. Ce sont deux éléments fondamentaux dans la construction professionnelle d’une personne. Un apprentissage malheureusement ne vous expose pas à ceci.

Au Conseil de l’ASG, vous êtes rapporteur pour les questions de formation continue. Une telle formation est-elle nécessaire, compte tenu du haut niveau de formation de base de la plupart de vos membres?

En moyenne, les représentants de nos membres ont déjà 20 ans d’expérience professionnelle derrière eux lorsqu’ils créent leur propre entreprise ou qu’ils rejoignent une société de gestion indépendante. Leur formation de base est donc déjà ancienne et leurs connaissances doivent être maintenues et mises à jour dans un environnement particulièrement évolutif. En moins d’une décennie, les lois, les règles, les produits et les attentes de la clientèle changent en effet tellement, que les repères antécédents sont vite obsolètes. Offrir de telles opportunités à ses membres est une des missions prioritaires de notre Association. Qui mieux que nous peut en effet doser au mieux ce cocktail entre pratique et théorie.

Quelles sont les exigences de l’ASG en matière de formation, de perfectionnement et d’expérience professionnelle?

L’ASG est à la fois association professionnelle et organisme d’autorégulation. Dans ce contexte, elle édicte des règles et en contrôle l’application. Il en va ainsi dans le domaine de la formation et du perfectionnement. Les statuts de l’Association exigent par exemple que tout membre, au moment de son affiliation, dispose d’au moins cinq ans d’expérience dans le domaine de la gestion de fortune pour des tiers et, de manière durable, possède les qualifications professionnelles nécessaires. Le Code de conduite exige, de son côté, que le gérant assure sa formation continue et celle des personnes qu’il emploie dans tous les domaines de leur activité professionnelle. Le gérant est en outre tenu de respecter les dispositions spécifiques relatives à la formation en matière de prévention et de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Le projet de future loi sur les services financiers va très loin dans certains domaines. Il prévoit notamment des exigences de formation et de perfectionnement pour tous les conseillers clients. Qu’en pensez-vous?

La réflexion est logique. Le client est en droit de savoir s’il s’adresse à un professionnel compétent; il en va de la crédibilité et de la réputation de la profession. La formation est un investissement incontournable dans une démarche de qualité du conseil prodigué. Mais le résultat dépendra fortement de la manière dont la loi cible le cercle des personnes visées. Chez un gérant indépendant, l’appartenance à ce groupe est facilement identifiable. Dans ce contexte, une différenciation qualitative claire ne peut être que bénéfique pour les gérants indépendants, ce d’autant plus si elle est officialisée dans un registre ad hoc.

Le concept devrait donc être précisé?

Il faut en effet clairement savoir qui, parmi les personnes en contact avec la clientèle, mérite d’être qualifié de «conseiller». Il n’est pas non plus envisageable pour l’ensemble de la place financière, comme l’espèrent certaines banques, que chaque institut fixe ses propres normes. Comme nous l’avons vu, les gérants membres de notre Association ont non seule- ment une longue expérience professionnelle dans la finance, mais ils sont également astreints à des obligations de perfectionnement étendues et régulières. A défaut d’être transparente, une protection du terme de conseiller client n’offrirait aucune plus-value au client, pourrait même être trompeuse, et n’aurait donc pas de raison d’être.

Y-aurait-il d’autres développements?

Il s’agit là déjà d’une bonne base. Le gérant indépendant doit toutefois être actif dans trois domaines: pour son client, pour le portefeuille de son client et pour sa propre entreprise. Il jouit à cet égard d’une large liberté de manœuvre et notre tâche est de le soutenir et de lui apporter les outils dont il a besoin. Les sujets ne manquent pas, entre la gouvernance d’entreprise, l’évolution des techniques financières ou encore les questions liées à la fiscalité ou à la prévoyance.

Certains professionnels expérimentés estiment qu’ils n’ont pas à se former plus et qu’ils connaissent leur travail. Que leur répondez-vous?

De mon point de vue, ceci est faux, la formation continue peut prendre des formes bien diverses, c’est justement ce à quoi l’Association aujourd’hui s’attelle. Vous me demandez aujourd’hui de refaire un MBA ou un AZEK, je vous réponds que c’est hors de question, et honnêtement j’aurais de la peine et ça me prendrait un temps conséquent. Par contre, suivre des séminaires ou des conférences spécialisées dans des domaines spécifiques, participer à des forums, suivre des cours de rafraichissement, c’est clairement quelque chose qui apporte de la connaissance et ceci est valable pour tout un chacun.

Finalement, le perfectionnement apporte-t-il une plus-value au client?

Elle est indéniable. Il s’agit d’un processus universel de l’expert. Dans n’importe quelle circonstance vous préférez parler à une personne instruite plutôt qu’à quelqu’un qui ne l’est pas.

Source : Denaris, édition 03/2015.

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